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nord contre sud.

aussi bien contre les pilotis que contre le train en marche. Gilbert, posté à l’avant, dirigeait le tir. Il y eut quelques coups heureux. Entre autres, un obus vint atteindre la dernière voiture du convoi, dont les essieux furent brisés ainsi que les barres d’attache. Mais le train, sans s’arrêter un instant — ce qui eût rendu sa situation très dangereuse, — ne s’occupa pas de ce dernier wagon. Il le laissa en détresse, et, continuant sa marche à toute vapeur, il s’enfonça vers le sud-ouest de la péninsule. À ce moment arriva un détachement des fédéraux débarqués à Fernandina. Le détachement s’élança sur le pont. En un instant, le wagon fut capturé avec les fugitifs qui s’y trouvaient, principalement des civils. On conduisit ces prisonniers à l’officier supérieur, le colonel Gardner, qui commandait à Fernandina, on prit leurs noms, on les garda vingt-quatre heures pour l’exemple sur un des bâtiments de l’escadre, puis on les relâcha.

Lorsque le train eut disparu, l’Ottawa dut se contenter d’attaquer un bâtiment, chargé de matériel, qui s’était réfugié dans la baie, et dont elle s’empara.

Ces événements étaient de nature à jeter le découragement parmi les troupes confédérées et les habitants des villes floridiennes. Ce fut ce qui se produisit plus particulièrement à Jacksonville. L’estuaire du Saint-John ne tarderait pas à être forcé comme l’avait été celui de Saint-Mary ; cela ne pouvait faire doute, et, très vraisemblablement, les unionistes ne trouveraient pas plus de résistance à Jacksonville qu’à Saint-Augustine et dans tous les bourgs du comté.

Cela était bien fait pour rassurer la famille de James Burbank. Dans ces conditions, on devait le croire, Texar n’oserait pas donner suite à ses projets. Ses partisans et lui seraient renversés, et sous peu, par la seule force des choses, les honnêtes gens reprendraient le pouvoir qu’une émeute de la populace leur avait arraché.

Il y avait évidemment toute raison de penser ainsi, et par conséquent toute raison d’espérer. Aussi, dès que le personnel de Camdless-Bay eut appris ces importantes nouvelles, bientôt connues à Jacksonville, sa joie se manifesta-t-elle par des hurrahs bruyants, dont Pygmalion prit sa bonne