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coup de vent de nord-est.

évidemment d’établir le blocus sur tout le littoral depuis l’embouchure du Saint-John jusqu’aux derniers inlets de la Floride. Nous n’avons donc rien à craindre de ce côté, Texar.

— Reste alors le danger d’être tenu en échec par la flottille de Stevens, si elle parvient à remonter la barre devant laquelle elle est arrêtée depuis trois jours…

— Sans doute, mais cette question sera décidée d’ici quelques heures. Peut-être, après tout, les fédéraux n’ont-ils d’autre but que de fermer le bas cours du fleuve, afin de couper toute communication entre Saint-Augustine et Fernandina ?

« Je vous le répète, Texar, l’important pour les nordistes, ce n’est pas tant d’occuper la Floride en ce moment, que de s’opposer à la contrebande de guerre qui se fait par les passes du sud. Il est permis de croire que leur expédition n’a pas d’autre objectif. Sans cela, les troupes, qui sont maîtresses de l’île Amélia depuis une dizaine de jours, auraient déjà marché sur Jacksonville.

— Vous pouvez avoir raison, répondit Texar. N’importe ! Il me tarde que la question de la barre soit définitivement tranchée.

— Elle le sera aujourd’hui même.

— Cependant, si les canonnières de Stevens venaient s’embosser devant le port, que feriez-vous ?

— J’exécuterais l’ordre que j’ai reçu d’emmener les milices dans l’intérieur, afin d’éviter tout contact avec les fédéraux. Qu’ils s’emparent des villes du comté, soit ! Ils ne pourront les garder longtemps, puisqu’ils seront coupés de leurs communications avec la Géorgie ou les Carolines, et nous saurons bien les leur reprendre !

— En attendant, répondit Texar, s’ils étaient maîtres de Jacksonville, ne fût-ce qu’un jour, il faudrait s’attendre à des représailles de leur part… Tous ces prétendus honnêtes gens, ces riches colons, ces anti-esclavagistes, reviendraient au pouvoir, et alors… Cela ne sera pas !… Non !… Et plutôt que d’abandonner la ville… »

L’Espagnol n’acheva pas sa pensée ; il était facile de la comprendre.