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les deux frères.

XV

les deux frères


La situation était désespérée. Comment passer ? Un audacieux nageur n’aurait pu le faire, sans courir le risque de perdre vingt fois la vie. Qu’il n’y eût qu’une centaine de pieds d’une rive à l’autre, soit ! Mais, faute d’une barque, il était impossible de les franchir. Des têtes triangulaires pointaient çà et là hors des eaux, et les herbes s’agitaient sous la passée rapide des reptiles.

La petite Dy, au comble de l’épouvante, se pressait contre Zermah. Ah ! si pour le salut de l’enfant, il eût suffi de se jeter au milieu de ces monstres, qui l’eussent enlacée comme un gigantesque poulpe aux mille tentacules, la métisse n’aurait pas hésité un instant !

Mais, pour la sauver, il fallait une circonstance providentielle. Cette circonstance, à Dieu seul de la faire naître. Zermah n’avait plus de recours qu’en lui. Agenouillée sur la berge, elle implorait Celui qui dispose du hasard, dont il fait le plus souvent l’agent de ses volontés.

Cependant, d’un moment à l’autre, quelques-uns des compagnons de Texar pouvaient se montrer sur la lisière de la forêt. Si d’un moment à l’autre, celui des Texar, qui était resté sur l’île, revenait au wigwam, n’y trouvant plus Dy ni Zermah, ne se mettrait-il à leur recherche ?…

« Mon Dieu… s’écria la malheureuse femme, ayez pitié !… »

Soudain ses regards se portèrent sur la droite du canal.

Un léger courant entraînait les eaux vers le nord du lac où coulent quelques affluents du Calaooschatches, un des petits fleuves qui se déversent dans le golfe du Mexique, et par lequel s’alimente le lac Okee-cho-bee à l’époque des grandes marées mensuelles.