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nord contre sud.

mettre ordre à mes affaires, et, alors, nous irons demander l’hospitalité à Castle-House…

— Et, lorsque monsieur Gilbert arrivera, dit Zermah, au moins trouvera-t-il là tous ceux qu’il aime ! »

Zermah prit congé de Walter Stannard et de sa fille. Puis, au milieu de l’agitation populaire qui ne cessait de s’accroître, elle regagna le quartier du port et les quais, où l’attendait le régisseur. Tous deux s’embarquèrent pour traverser le fleuve, et M. Perry reprit sa conversation habituelle au point précis où il l’avait laissée.

En disant que le danger n’était pas imminent, peut-être M. Stannard se trompait-il ? Les événements allaient se précipiter, et Jacksonville devait en ressentir promptement le contrecoup.

Cependant le gouvernement fédéral agissait toujours avec une certaine circonspection dans le but de ménager les intérêts du Sud. Il ne voulait procéder que par mesures successives. Deux ans après le début des hostilités, le prudent Abraham Lincoln n’avait pas encore décrété l’abolition de l’esclavage sur tout le territoire des États-Unis. Plusieurs mois devaient s’écouler encore, avant qu’un message du président proposât de résoudre la question par le rachat et l’émancipation graduelle des noirs, avant que l’abolition fût proclamée, avant, enfin, qu’eût été votée l’ouverture d’un crédit de cinq millions de francs, avec l’autorisation d’accorder, à titre d’indemnité, quinze cents francs par tête d’esclave affranchi. Si quelques-uns des généraux du Nord s’étaient cru autorisés à supprimer la servitude dans les pays envahis par leurs armées, ils avaient été désavoués jusqu’alors. C’est que l’opinion n’était pas unanime encore sur cette question, et l’on citait même certains chefs militaires des Unionistes qui ne trouvaient cette mesure ni logique ni opportune.

Entre-temps, des faits de guerre continuaient à se produire, et plus particulièrement au désavantage des confédérés. Le général Price, à la date du 12 février, avait dû évacuer l’Arkansas avec le contingent des milices missouriennes. On a vu que le fort Henry avait été pris et occupé par les fédéraux. Maintenant, ceux-ci s’attaquaient au fort Donelson, défendu par une artillerie puissante, et couvert par quatre kilomètres d’ouvrages extérieurs qui comprenaient la petite