Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’Alexandre, c’est-à-dire, l’Inde et la Grèce aux prises dans l’Asie centrale. Il est toujours là, cet Hydaspe, si les deux villes, fondées par le Macédonien en souvenir de sa victoire, ont si bien disparu qu’on ne peut même plus en retrouver la place.

Pendant cette matinée, l’Albatros plana au-dessus de Srinagar, plus connue sous le nom de Cachemir. Uncle Prudent et son compagnon virent une cité superbe, allongée sur les deux rives du fleuve, ses ponts de bois tendus comme des fils, ses chalets agrémentés de balcons en découpages, ses berges ombragées de hauts peupliers, ses toits gazonnés qui prenaient l’aspect de grosses taupinières, ses canaux multiples, avec des barques comme des noix et des bateliers comme des fourmis, ses palais, ses temples, ses kiosques, ses mosquées, ses bungalows à l’entrée des faubourgs, ― tout cet ensemble doublé par la réverbération des eaux ; puis sa vieille citadelle de Hari-Parvata, campée au front d’une colline, comme le plus important des forts de Paris au front du Mont-Valérien.

« Ce serait Venise, dit Phil Evans, si nous étions en Europe.

― Et si tous étions en Europe, répondit Uncle Prudent, nous saurions bien retrouver le chemin de l’Amérique ! »

L’Albatros ne s’attarda pas au-dessus du lac que le fleuve traverse et reprit son vol à travers la vallée de l’Hydaspe.

Pendant une demi-heure seulement, descendu à dix mètres du fleuve, il resta stationnaire. Alors, au moyen d’un tuyau de caoutchouc envoyé en dehors, Tom Turner et ses gens s’occupèrent de refaire leur provision d’eau, qui fut aspirée par une pompe que les courants des accumulateurs mirent en mouvement.

Durant cette opération, Uncle Prudent et Phil Evans s’étaient regardés. Une même pensée avait traversé leur cerveau. Ils n’étaient qu’à quelques mètres de la surface de l’Hydaspe, à portée des rives. Tous deux étaient bons nageurs. Un plongeon pouvait leur rendre la liberté, et, lorsqu’ils auraient disparu entre deux eaux, comment Robur eût-il pu les reprendre ? Afin de laisser à ses propulseurs la possibilité d’agir, ne fallait-il pas que l’appareil se tint au moins à deux mètres au-dessus du lac ?