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propulseurs, entraîné au large par la brise du sud-ouest, tandis qu’il s’élevait à une grande hauteur. Ses fanaux allumés avaient permis de le suivre pendant quelque temps. Puis, il n’avait pas tardé à disparaître.

Les fugitifs n’avaient plus rien à craindre. Comment Robur aurait-il pu revenir sur l’île, puisque ses hélices devaient encore être hors d’état de fonctionner pendant trois ou quatre heures ?

D’ici là, l’Albatros, détruit par l’explosion, ne serait plus qu’une épave flottant sur la mer, et ceux qu’il portait, des cadavres déchirés que l’Océan ne pourrait pas même rendre.

L’acte de vengeance aurait été accompli dans toute son horreur.

Uncle Prudent et Phil Evans, se considérant comme en état de légitime défense, n’avaient pas eu un remords.

Phil Evans n’était que légèrement blessé par la balle lancée de l’Albatros. Aussi tous trois s’occupèrent de remonter le littoral avec l’espoir de rencontrer quelques indigènes.

Cet espoir ne fut pas trompé. Une cinquantaine de naturels, vivant de la pêche, habitaient la côte occidentale de Chatam. Ils avaient vu l’aéronef descendre sur l’île. Ils firent aux fugitifs l’accueil que méritaient des êtres surnaturels. On les adora, ou peu s’en faut. On les logea dans la plus confortable des cases. Jamais Frycollin ne retrouverait une pareille occasion de passer pour le Dieu des noirs.

Ainsi qu’ils l’avaient prévu, Uncle Prudent et Phil Evans ne virent pas revenir l’aéronef. Ils devaient en conclure que la catastrophe avait dû se produire dans quelque haute zone de l’atmosphère. On n’entendrait plus jamais parler de l’ingénieur Robur ni de la prodigieuse machine que ses compagnons montaient avec lui.

Maintenant il fallait attendre une occasion de regagner l’Amérique. Or, l’île Chatam est peu fréquentée des navigateurs. Tout le mois d’août se passa ainsi, et les fugitifs pouvaient se demander s’ils n’avaient pas changé une prison pour une autre, dont Frycollin, toutefois, s’arrangeait mieux que de sa prison aérienne.

Enfin, le 3 septembre, un navire vint faire de l’eau à l’aiguade de l’île