Page:Verne - Robur le conquérant, Hetzel, 1904.djvu/215

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aérostat se balançait à quelques pieds du sol, prêt à s’élever au milieu des airs.

Temps admirable et fait exprès pour cette importante expérience. En somme, peut-être aurait-il mieux valu que la brise eût été plus forte, ce qui aurait rendu l’épreuve plus concluante. En effet, on n’a jamais mis en doute qu’un ballon pût être dirigé dans un air calme ; mais, au milieu d’une atmosphère en mouvement, c’est autre chose, et c’est dans ces conditions que les expériences doivent être tentées.

Enfin, il n’y avait pas de vent ni apparence qu’il dût se lever. Ce jour-là, par extraordinaire, l’Amérique du Nord ne se disposait point à envoyer à l’Europe occidentale une des bonnes tempêtes de son inépuisable réserve, et jamais jour n’eût été mieux choisi pour le succès d’une expérience aéronautique.

Faut-il parler de la foule immense réunie dans Fairmont-Park, des nombreux trains qui avaient versé sur la capitale de la Pensylvanie les curieux de tous les états environnants, de la suspension de la vie industrielle et commerciale qui permettait à tous de venir assister à ce spectacle, patrons, employés, ouvriers, hommes, femmes, vieillards, enfants, membres du Congrès, représentants de l’armée, magistrats, reporters, indigènes blancs et noirs, entassés dans la vaste clairière ? Faut-il décrire les émotions bruyantes de ce populaire, ces mouvements inexplicables, ces poussées soudaines qui rendaient la masse palpitante et houleuse ? Faut-il chiffrer les hips ! hips ! hips ! qui éclatèrent de toutes parts comme des détonations de boîtes d’artifice, lorsque Uncle Prudent et Phil Evans parurent sur la plate-forme, au-dessous de l’aérostat pavoisé aux couleurs américaines ? Faut-il avouer enfin que le plus grand nombre des curieux n’était peut-être pas venu pour voir le Go a head, mais pour contempler ces deux hommes extraordinaires que l’Ancien Monde enviait au Nouveau ?

Pourquoi deux et non trois ? Pourquoi pas Frycollin ? C’est que Frycollin trouvait que la campagne de l’Albatros suffisait à sa célébrité. Il avait décliné l’honneur d’accompagner son maître. Il n’eut donc point sa part des acclamations frénétiques qui accueillirent le président et le secrétaire du Weldon-Institute.