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L’ingénieur, il est vrai, avait donné la direction ainsi que fait un capitaine, en tenant compte de l’altitude nécessaire pour dominer les hauts sommets du territoire. Or, comme l’aéronef ne devait pas tarder à planer sur un pays de montagnes, il n’était que prudent de veiller, pour le cas où il aurait quelque peu dévié de sa route.

En observant la contrée placée au-dessous d’eux, Uncle Prudent et Phil Evans aperçurent un vaste lac dont l’Albatros allait atteindre la pointe inférieure vers le sud. Ils en conclurent que, pendant la nuit, l’Érié avait été dépassé sur toute sa longueur. Donc, puisqu’il marchait plus directement à l’ouest, l’aéronef devait alors remonter l’extrémité du lac Michigan.

« Pas de doute possible ! dit Phil Evans. Cet ensemble de toits à l’horizon, c’est Chicago ! »

Il ne se trompait pas. C’était bien la cité vers laquelle rayonnent dix-sept railways, la reine de l’Ouest, le vaste réservoir dans lequel affluent les produits de l’Indiana, de l’Ohio, du Wisconsin, du Missouri, de toutes ces provinces qui forment la partie occidentale de l’Union.

Uncle Prudent, armé d’une excellente lorgnette marine qu’il avait trouvée dans son roufle, reconnut aisément les principaux édifices de la ville. Son collègue put lui indiquer les églises, les édifices publics, les nombreux « élévators » ou greniers mécaniques, l’immense hôtel Sherman, semblable à un gros dé à jouer, dont les fenêtres figuraient des centaines de points sur chacune de ses faces.

« Puisque c’est Chicago, dit Uncle Prudent, cela prouve que nous sommes emportés un peu plus à l’ouest qu’il ne conviendrait pour revenir à notre point de départ. »

En effet, l’Albatros s’éloignait en droite ligne de la capitale de la Pensylvanie.

Mais, si Uncle Prudent eût voulu mettre Robur en demeure de les ramener vers l’est, il ne l’aurait pu ce moment. Ce matin-là, l’ingénieur ne semblait pas pressé de quitter sa cabine, soit qu’il y fût occupé de quelques travaux, soit qu’il y dormît encore. Les deux collègues durent donc déjeuner sans l’avoir aperçu.