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le numéro 9672.

retenues pour eux. Après un bonsoir affectueux, le professeur regagna sa vieille maison, où sa vieille servante Kate et son vieux domestique Fink l’attendaient avec une non moins vieille impatience.




XVII

Christiania — grande cité pour la Norvège — ne serait qu’une assez petite ville en Angleterre ou en France. Sans de fréquents incendies, elle se montrerait encore telle qu’elle fut bâtie au onzième siècle. En réalité, elle ne date que de l’année 1624, époque à laquelle la reconstruisit le roi Christian. D’Opsolö qu’elle s’appelait alors, elle devint Christiania, du nom féminisé de son royal architecte. C’est donc une ville régulière, à larges rues, froides et droites, tracées au tire-ligne, avec des maisons de pierres blanches ou de briques rouges. Au milieu d’un assez beau jardin, s’élève le château royal, l’Orscarslot, vaste bâtisse quadrangulaire, sans style, bien qu’elle soit de style ionien. Çà et là, apparaissent quelques églises, dans lesquelles les beautés de l’art ne sauraient distraire l’attention des fidèles. Enfin, il y a aussi plusieurs édifices civils et établissements publics, sans compter un grand bazar, disposé en rotonde, où viennent s’entasser les produits étrangers et indigènes.

En tout cet ensemble, rien de très curieux. Mais, ce qu’il faut admirer sans réserve, c’est la position de la ville, au milieu de ce cirque de montagnes, si variées d’aspect, qui lui font un cadre superbe. Presque plate dans ses quartiers riches et neufs, elle ne se relève que pour former une sorte de Kasbah, couverte de maisons irrégulières où végète la population peu aisée, huttes de bois, huttes de brique, dont les tons criards étonnent le regard plus qu’ils ne le charment.

Il ne faudrait pas croire que le mot Kasbah, réservé aux villes africaines, ne saurait être à sa place dans une cité du nord de l’Europe. Christiania n’a-