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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Au premier moment, l’inconnu, voyant marcher vers lui ces quatre hommes armés, fit un mouvement pour revenir sur ses pas. Il portait un fusil en bandoulière, qui passa rapidement dans sa main et de sa main à son épaule. On conçoit qu’il ne fût pas rassuré.

Dick Sand fit un geste de salut, que l’inconnu comprit sans doute, car, après quelque hésitation, il continua d’avancer.

Dick Sand put alors l’examiner avec attention.

C’était un homme vigoureux, âgé de quarante ans au plus, l’œil vif, les cheveux et la barbe grisonnants, le teint hâlé comme celui d’un nomade qui a toujours vécu au grand air dans la forêt ou dans la plaine. Une sorte de blouse en peau tannée lui servait de justaucorps, un large chapeau couvrait sa tête, des bottes de cuir lui montaient jusqu’au-dessous du genou, et des éperons à large molette résonnaient à leurs hauts talons.

Ce que Dick Sand reconnut d’abord, — et ce qui était en effet, — c’est qu’il avait devant lui, non l’un de ces Indiens, coureurs habituels des pampas, mais un de ces aventuriers, de sang étranger, souvent peu recommandables, qui se rencontrent fréquemment dans ces contrées lointaines. Il semblait même, à son attitude assez raide, à la couleur rougeâtre de quelques poils de sa barbe, que cet inconnu devait être d’origine anglo-saxonne. En tout cas, ce n’était ni un Indien ni un Espagnol.

Et cela parut certain, quand, à Dick Sand, qui lui dit en anglais : « Soyez le bienvenu ! » il répondit dans la même langue, et sans que sa prononciation fût entachée d’aucun accent.

« Soyez le bienvenu vous-même, mon jeune ami », dit l’inconnu, en s’avançant vers le novice, dont il serra la main.

Quant aux noirs, il se contenta de leur faire un geste, sans leur adresser la parole.

« Vous êtes Anglais ? demanda-t-il au novice.

— Américains, répondit Dick Sand.

— Du Sud ?

— Du Nord. »

Cette réponse parut faire plaisir à l’inconnu, qui secoua plus vigoureusement la main du novice, et cette fois bien à l’américaine.

« Et puis-je savoir, mon jeune ami, demanda-t-il, comment vous vous trouvez sur cette côte ? »

Mais, en ce moment, sans attendre que le novice eût répondu à sa demande, l’inconnu retira son chapeau et salua.