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DIVERS INCIDENTS

gens moins affamés. Cousin Bénédict, pour sa part, en mangea une notable quantité, — en soupirant, il est vrai, — mais enfin il en mangea.

Néanmoins, il était temps que cette longue série d’épreuves morales et physiques prît fin. Bien que la dérive, sur cette rapide rivière, ne fût pas fatigante comme l’avait été la marche dans les premières forêts du littoral, la chaleur excessive du jour, les buées humides de la nuit, les attaques incessantes des moustiques, tout rendait très pénible encore cette descente du cours d’eau. Il était temps d’arriver, et, cependant, Dick Sand ne pouvait encore assigner aucun terme à ce voyage ! Durerait-il huit jours ou un mois ? rien ne l’indiquait. Si la rivière eût couru franchement dans l’ouest, on se fût déjà trouvé sur la côte nord de l’Angola ; mais la direction générale avait été plutôt nord, et l’on pouvait aller longtemps ainsi avant d’atteindre le littoral. Dick Sand était donc extrêmement inquiet, lorsqu’un changement de direction se produisit soudain, dans la matinée du 14 juillet.

Le petit Jack était à l’avant de l’embarcation, et regardait à travers les chaumes, lorsqu’un grand espace d’eau apparut à l’horizon.

« La mer ! » s’écria-t-il.

À ce mot, Dick Sand tressaillit et vint près du petit Jack.

« La mer ! répondit-il. Non, pas encore, mais du moins un fleuve qui court vers l’ouest, et dont cette rivière n’était qu’un affluent ! Peut-être est-ce le Zaïre lui-même !

— Dieu t’entende, Dick ! » répondit Mrs Weldon.

Oui ! car, si c’était ce Zaïre ou Congo que Stanley devait reconnaître quelques années plus tard, il n’y avait plus qu’à descendre son cours pour atteindre les bourgades portugaises de l’embouchure. Dick Sand espéra qu’il en serait ainsi, et il était fondé à le croire.

Pendant les 15, 16, 17 et 18 juillet, au milieu d’un pays moins aride, l’embarcation dériva sur les eaux argentées du fleuve. Toutefois, mêmes précautions prises, et ce fut toujours un amas d’herbes que le courant sembla entraîner à la dérive.

Encore quelques jours, sans doute, et les survivants du Pilgrim verraient le terme de leurs misères. La part de dévouement serait alors faite à chacun, et si le jeune novice n’en revendiquait pas la plus grande, Mrs Weldon saurait bien la revendiquer pour lui.

Mais, le 18 juillet, pendant la nuit, il se produisit un incident, qui allait compromettre le salut de tous.