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LES QUATRE JOURS QUI SUIVENT

Entre ces deux mâts, sur les étais qui les soutiennent par l’avant, on peut encore établir un triple étage de voiles triangulaires.

Enfin, à l’avant, sur le beaupré et son bout-dehors, s’amurent les trois focs.

Les focs, la brigantine, le flèche, les voiles d’étais sont facilement maniables. Ils peuvent être hissés du pont, sans qu’il soit nécessaire de monter dans la mâture, puisqu’ils ne sont pas serrés sur les vergues au moyen de rabans qu’il faut préalablement larguer.

Au contraire, la manœuvre des voiles du mât de misaine exige une plus grande habitude du métier de marin. Il est nécessaire, en effet, lorsqu’on veut les établir, de grimper par les haubans, soit dans la hune de misaine, soit sur les barres de perroquet, soit au capelage dudit mât, — et cela aussi bien pour les larguer ou les serrer que pour diminuer leur surface en prenant des ris. De là, l’obligation de courir sur les marchepieds, — cordes mobiles tendues au-dessous des vergues, – de travailler d’une main en se tenant de l’autre, manœuvre périlleuse pour qui n’en a pas l’habitude. Les oscillations du roulis et du tangage, très accrues par la longueur du levier, le battement des voiles sous une brise un peu fraîche, ont vite fait d’envoyer un homme par-dessus le bord. C’était donc une opération véritablement dangereuse pour Tom et ses compagnons.

Très heureusement, le vent soufflait modérément. La mer n’avait pas encore eu le temps de se faire. Les coups de roulis ou de tangage se maintenaient dans une amplitude modérée.

Lorsque Dick Sand, au signal du capitaine Hull, s’était dirigé vers le théâtre de la catastrophe, le Pilgrim ne portait que ses focs, sa brigantine, sa misaine et son hunier. Pour passer de la panne au plus près, le novice n’avait eu qu’à faire servir, c’est-à-dire à contre-brasser le phare de misaine. Les noirs l’avaient facilement aidé dans cette manœuvre.

Il s’agissait donc maintenant d’orienter grand largue, et, pour compléter la voilure, de hisser le perroquet, le cacatois, le flèche et les voiles d’étais.

« Mes amis, dit le novice aux cinq noirs, faites ce que je vais vous commander, et tout ira bien. »

Dick Sand était resté à la roue du gouvernail.

« Allez ! cria-t-il. Tom, larguez vivement cette manœuvre !

— Larguez ?… dit Tom, qui ne comprenait pas cette expression.

— Oui… défaites-la ! — À vous, Bat… la même chose !… Bon !… Halez… raidissez… Voyons, tirez dessus !

— Comme cela ? dit Bat.