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de trois russes et de trois anglais

cette carte le méridien dont on devait mesurer un arc entre deux stations assez éloignées l’une de l’autre de plusieurs degrés. On comprend, en effet, que plus l’arc mesuré sera long, plus l’influence des erreurs possibles dans la détermination des latitudes sera atténuée. Celui qui s’étend de Dunkerque à Formentera comprenait près de dix degrés du méridien de Paris, soit exactement 9° 56’.

Or, dans la triangulation anglo-russe qui allait être entreprise, le choix du méridien devait être fait avec une extrême circonspection. Il fallait ne point se heurter à des obstacles naturels, tels que montagnes infranchissables, vastes étendues d’eau, qui eussent arrêté la marche des observateurs. Fort heureusement, cette portion de l’Afrique australe semblait se prêter merveilleusement à une opération de ce genre. Les soulèvements du sol s’y tenaient dans une proportion modeste. Les cours d’eau étaient peu nombreux et facilement praticables. On pouvait se heurter à des dangers, non à des obstacles.

Cette partie de l’Afrique australe est occupée, en effet, par le désert de Kalahari, vaste terrain qui s’étend depuis la rivière d’Orange jusqu’au lac Ngami, entre le vingtième et le vingt-neuvième parallèle méridionaux. Sa largeur comprend l’espace contenu entre l’Atlantique à l’ouest, et le vingt-cinquième méridien à l’est de Greenwich. C’est sur ce méridien que s’éleva, en 1849, le docteur Livingstone, en suivant la limite orientale du désert, lorsqu’il s’avança jusqu’au lac Ngami et aux chutes de Zambèse. Quant au désert lui-même, il ne mérite point ce nom à proprement parler. Ce ne sont plus les plaines du Sahara, comme on serait tenté de le croire, plaines sablonneuses, dépourvues de végétation, que leur aridité rend à peu près infranchissables. Le Kalahari produit une grande quantité de plantes ; son sol est recouvert d’herbes abondantes ; il possède des fourrés épais et des forêts de grands arbres ; les animaux y pullulent, gibier sauvage et fauves redoutables, il est habité ou parcouru par des tribus sédentaires ou nomades de Bushmen et de Bakalaharis. Mais l’eau manque à ce désert pendant la plus grande partie de l’année. Les nombreux lits de rios qui le coupent sont alors desséchés, et la sécheresse du sol est le véritable obstacle à l’exploration de cette partie de l’Afrique. Toutefois, à cette époque, la saison des pluies venait à peine de finir, et on pouvait encore compter sur d’importantes réserves d’eau stagnante, conservée dans les mares, les étangs ou les ruisseaux.

Tels furent les renseignements donnés par le chasseur Mokoum. Il connaissait ce Kalahari pour l’avoir mainte fois fréquenté, soit comme chasseur pour son propre compte, soit comme guide attaché à quelque exploration géographique. Le colonel Everest et Mathieu Strux furent d’accord sur ce