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de trois russes et de trois anglais

L’incendie dura toute la nuit, et le jour suivant, et l’autre nuit encore. Et quand reparut le matin du 14 août, un vaste espace, dévoré par le feu, rendait la forêt praticable sur une largeur de plusieurs milles. La voie était frayée à la méridienne, et cette fois, l’avenir de la triangulation venait d’être sauvé par l’acte audacieux du chasseur Mokoum.



CHAPITRE XIV

une déclaration de guerre.

Le travail fut repris le jour même. Tout prétexte de discussion avait disparu. Le colonel Everest et Mathieu Strux ne se pardonnèrent pas, mais ils reprirent ensemble le cours des opérations géodésiques.

Sur la gauche de cette large trouée, pratiquée par l’incendie, s’élevait un monticule très visible, à une distance de cinq milles environ. Son point culminant pouvait être pris pour mire et servir de sommet au nouveau triangle. L’angle qu’il faisait avec la dernière station fut donc mesuré, et, le lendemain, toute la caravane se porta en avant à travers la forêt incendiée.

C’était une route macadamisée de charbons. Le sol était encore brûlant ; des souches fumaient çà et là, et il s’élevait une buée chaude tout imprégnée de vapeurs. En maint endroit, des cadavres carbonisés, appartenant à des animaux surpris dans leur retraite, et que la fuite n’avait pu soustraire aux fureurs du feu. Des fumées noires, qui tourbillonnaient à de certaines places, indiquaient encore l’existence de foyers partiels. On pouvait même croire que l’incendie n’était pas éteint, et que sous l’action du vent, reprenant bientôt avec une nouvelle force, il achèverait de dévorer la forêt tout entière.

C’est pourquoi la commission scientifique pressa sa marche en avant. La caravane, prise dans un cercle de feu, eût été perdue. Elle avait hâte de traverser ce théâtre de l’incendie dont les derniers plans latéraux brûlaient encore. Mokoum excita donc le zèle des conducteurs de chariots, et, vers le milieu de la journée, un campement était établi au pied du monticule déjà relevé au cercle répétiteur.

La masse rocheuse qui terminait cette extumescence du sol semblait avoir été disposée par la main de l’homme. C’était comme un dolmen, un assemblage de pierres druidiques, qu’un archéologue eût été fort surpris de rencontrer en cet endroit. Un énorme grès conique dominait tout l’en-