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aventures

— Cent vingt milles au moins.

— Notre lunette la franchira.

— Mais il faudra allumer un fanal au sommet de ce pic !

— On l’allumera.

— Il faudra l’y porter !

— On l’y portera.

— Et pendant ce temps, se défendre contre les Makololos ! ajouta le bushman !

— On se défendra !

— Messieurs, dit le bushman, je suis à vos ordres, et je ferai ce que vous me commanderez de faire !… »

Ainsi se termina par ces paroles du dévoué chasseur cette conversation de laquelle avait dépendu le sort de l’opération scientifique. Les savants bien unis dans la même pensée, et décidés à se sacrifier s’il le fallait, sortirent de la casemate, et vinrent observer le pays qui s’étendait au nord du lac.

Mathieu Strux indiqua le pic dont il avait fait choix. C’était le pic du Volquiria, sorte de cône que la distance rendait à peine visible. Il s’élevait à une grande hauteur, et malgré la distance, un puissant fanal électrique pourrait être aperçu dans le champ des lunettes, munies d’oculaires grossissants. Mais ce réverbère, il fallait le porter à plus de cent milles du Scorzef, et le hisser au sommet du mont. Là était la difficulté véritable, mais non insurmontable. L’angle que formait le Scorzef avec le Volquiria, d’une part, et avec la station précédente, de l’autre, terminerait probablement la mesure de la méridienne, car le pic devait être situé bien près du vingtième parallèle. On comprend donc toute l’importance de l’opération, et avec quelle ardeur les astronomes cherchaient à vaincre les obstacles.

Il fallait, avant tout, procéder à l’établissement du réverbère. C’étaient cent milles à faire dans un pays inconnu. Michel Zorn et William Emery s’offrirent. Ils furent acceptés. Le foreloper consentit à les accompagner, et ils se préparèrent aussitôt à partir.

Emploieraient-ils la chaloupe à vapeur ? non. Ils voulaient qu’elle restât à la disposition de leurs collègues, qui seraient peut-être dans la nécessité de s’éloigner rapidement, après avoir terminé leur observation, afin d’échapper plus rapidement aux poursuites des Makololos. Pour traverser le Ngami, il suffisait de construire un de ces canots d’écorce de bouleau, à la fois légers et résistants, que les indigènes savent fabriquer en quelques heures. Mokoum et le foreloper descendirent jusqu’à la berge du lac, où poussaient quelques bouleaux nains, et ils eurent rapidement achevé leur besogne.