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aventures

étaient hommes à se contenter de peu, d’ailleurs. Une seule chose les préoccupait : la vérification de leurs opérations antérieures, qui allaient être contrôlées par la mesure directe de cette nouvelle base, c’est-à-dire du dernier côté de leur dernier triangle. En effet, d’après le calcul, ce côté avait une longueur mathématiquement déterminée, et plus la mesure directe se rapprocherait de la mesure calculée, plus la détermination de la méridienne devrait être regardée comme parfaite.

Les astronomes procédèrent immédiatement à la mesure directe. Les chevalets et les règles de platine furent dressés successivement sur ce sol bien uni. On prit toutes les précautions minutieuses qui avaient accompagné la mesure de la première base. On tint compte de toutes les conditions atmosphériques, des variations du thermomètre, de l’horizontalité des appareils, etc. Bref, rien ne fut négligé dans cette opération suprême, et ces savants ne vécurent plus que dans cette unique préoccupation.

Ce travail, commencé le 10 avril, ne fut achevé que le 15 mai. Cinq semaines avaient été nécessaires à cette délicate opération. Nicolas Palander et William Emery en calculèrent immédiatement les résultats.

Vraiment, le cœur battait fort à ces astronomes, quand ce résultat fut proclamé. Quel dédommagement de leurs fatigues, de leurs épreuves, si la vérification complète de leurs travaux « pouvait permettre de les léguer inattaquables à la postérité ! »

Lorsque les longueurs obtenues eurent été réduites par les calculateurs en arcs rapportés au niveau moyen de la mer, et à la température de soixante et un degrés du thermomètre de Fahrenheit (16° 11′ centigrades), Nicolas Palander et William Emery présentèrent à leurs collègues les nombres suivants :

Base nouvelle mesurée 
 5075t, 25
Avec la même base déduite de la première base et du réseau trigonométrique tout entier 
 5075t, 11
 
 ————
Différence entre le calcul et l’observation 
 0t, 14

Seulement quatorze centièmes de toise, c’est-à-dire moins de dix pouces, et les deux bases se trouvaient situées à une distance de six cents milles l’une de l’autre !

Lorsque la mesure de la méridienne de France fut établie entre Dunkerque et Perpignan, la différence entre la base de Melun et la base de Perpignan avait été de 11 pouces. La concordance obtenue par la commission anglo-russe est donc plus remarquable encore, et fait de ce travail, accompli dans des circonstances difficiles, en plein désert africain, au milieu des épreuves et des dangers de toutes sortes, la plus parfaite des opérations géodésiques entreprises jusqu’à ce jour.