Page:Verne - Voyage au centre de la Terre.djvu/157

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feuillage décoloré. Ils étaient faciles à reconnaître ; c’étaient les humbles arbustes de la terre, avec des dimensions phénoménales, des lycopodes hauts de cent pieds, des sigillaires géantes, des fougères arborescentes, grandes comme les sapins des hautes latitudes, des lepidodendrons à tiges cylindriques bifurquées, terminées par de longues feuilles et hérissées de poils rudes comme de monstrueuses plantes grasses.

« Étonnant, magnifique, splendide ! s’écria mon oncle. Voilà toute la flore de la seconde époque du monde, de l’époque de transition. Voilà ces humbles plantes de nos jardins qui se faisaient arbres aux premiers siècles du globe ! regarde, Axel, admire ! Jamais botaniste ne s’est trouvé à pareille fête !

— Vous avez raison, mon oncle. La Providence semble avoir voulu conserver dans cette serre immense ces plantes antédiluviennes que la sagacité des savants a reconstruites avec tant de bonheur.

— Tu dis bien, mon garçon, c’est une serre ; mais tu dirais mieux encore en ajoutant que c’est peut-être une ménagerie.

— Une ménagerie !

— Oui, sans doute. Vois cette poussière que nous foulons aux pieds, ces ossements épars sur le sol.

— Des ossements ! m’écriai-je. Oui, des ossements d’animaux antédiluviens ! »

Je m’étais précipité sur ces débris séculaires faits d’une substance minérale indestructible[1]. Je mettais sans hésiter un nom à ces os gigantesques qui ressemblaient à des troncs d’arbres desséchés.

« Voilà la mâchoire inférieure du mastodonte, disais-je ; voilà les molaires du dinotherium ; voilà un fémur qui ne peut avoir appartenu qu’au plus grand de ces animaux, au megatherium. Oui, c’est bien une ménagerie, car ces ossements n’ont certainement pas été transportés jusqu’ici par un cataclysme. Les animaux auxquels ils appartiennent ont vécu sur les rivages de cette mer souterraine, à l’ombre de ces plantes arborescentes. Tenez, j’aperçois des squelettes entiers. Et cependant…

— Cependant ? dit mon oncle.

— Je ne comprends pas la présence de pareils quadrupèdes dans cette caverne de granit.

— Pourquoi ?

— Parce que la vie animale n’a existé sur la terre qu’aux périodes secondaires,

  1. Phosphate de chaux.