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LES ANGLAIS AU POLE NORD

pire Hatteras, ne m’aveuglent pas. Répondez-moi, avez-vous visité les soutes au charbon ?

— Non, répondit Wall.

— Eh bien ! descendez-y, et vous verrez avec quelle rapidité nos approvisionnements diminuent. Dans le principe, on aurait dû naviguer surtout à la voile ; l’hélice étant réservée pour remonter les courants ou les vents contraires, notre combustible ne devait être employé qu’avec la plus sévère économie, car qui peut dire en quel endroit de ces mers et pour combien d’années nous pouvons être retenus ? Mais Hatteras, poussé par cette frénésie d’aller en avant, de remonter jusqu’à ce pôle inaccessible, ne se préoccupe plus d’un pareil détail. Que le vent soit contraire ou non, il marche à toute vapeur, et, pour peu que cela continue, nous risquons d’être fort embarrassés, sinon perdus.

— Dites-vous vrai, Shandon ? cela est grave alors !

— Oui, Wall, grave ; non-seulement pour la machine, qui, faute de combustible, ne nous serait d’aucune utilité dans une circonstance critique, mais grave aussi au point de vue d’un hivernage auquel il faudra tôt ou tard arriver. Or, il faut un peu songer au froid dans un pays où le mercure se gèle fréquemment dans le thermomètre[1].

— Mais, si je ne me trompe, Shandon, le capitaine compte renouveler son approvisionnement à l’île Beechey ; il doit y trouver du charbon en grande quantité.

  1. Le mercure gèle à 42° centigrades au-dessous de zéro.