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LES ANGLAIS AU POLE NORD

perte de vue leur ligne de démarcation. Parfois aussi, des nappes transparentes prolongeaient d’autres nappes entièrement opaques.

« Eh bien, monsieur Clawbonny, que pensez-vous de cette particularité ? dit Simpson.

— Je pense, mon ami, répondit le docteur, ce que pensait le baleinier Scoresby sur la nature de ces eaux diversement colorées : c’est que les eaux bleues sont dépourvues de ces milliards d’animalcules et de méduses dont sont chargées les eaux vertes ; il a fait diverses expériences à ce sujet, et je l’en crois volontiers.

— Oh ! monsieur, il y a un autre enseignement à tirer de la coloration de la mer.

— Vraiment ?

— Oui, monsieur Clawbonny, et, foi de harponneur, si le Forward était seulement un baleinier, je crois que nous aurions beau jeu.

— Cependant, répondit le docteur, je n’aperçois pas la moindre baleine.

— Bon ! nous ne tarderons pas à en voir, je vous le promets. C’est une fameuse chance pour un pêcheur de rencontrer ces bandes vertes sous cette latitude.

— Et pourquoi ? demanda le docteur, que ces remarques faites par des gens du métier intéressaient vivement.

— Parce que c’est dans ces eaux vertes, répondit Simpson, que l’on pêche les baleines en plus grande quantité.

— Et la raison, Simpson ?

— C’est qu’elles y trouvent une nourriture plus abondante.

— Vous êtes certain de ce fait ?

— Oh ! je l’ai expérimenté cent fois, monsieur Clawbonny, dans la mer de Baffin ; je ne vois pas pourquoi il n’en serait pas de même dans la baie Melville.

— Vous devez avoir raison, Simpson.

— Et tenez, répondit celui-ci en se penchant au-dessus du bastingage, regardez, monsieur Clawbonny.

— Tiens, répondit le docteur, on dirait le sillage d’un navire !

— Eh bien, répondit Simpson, c’est une substance graisseuse que la baleine laisse après elle. Croyez-moi, l’animal qui l’a produite ne doit pas être loin ! »

En effet, l’atmosphère était imprégnée d’une forte odeur de fraîchin. Le doc-