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LES ANGLAIS AU POLE NORD

ment ; souvent un glaçon énorme paralysait sa course pendant de longues heures ; le brouillard gênait la vue du pilote ; tant que l’on voit à un mille en avant, on peut parer facilement les obstacles ; mais, au milieu de ces tourbillons embrumés, la vue s’arrêtait souvent à moins d’une encâblure. La houle très-forte fatiguait.

Parfois, les nuages lisses et polis prenaient un aspect particulier, comme s’ils eussent réfléchi les bancs de glace ; il y eut des jours où les rayons jaunâtres du soleil ne parvinrent pas à franchir la brume tenace.

Les oiseaux étaient encore fort nombreux, et leurs cris assourdissants ; des phoques, paresseusement couchés sur des glaçons en dérive, levaient leur tête peu effrayée et agitaient leurs longs cous au passage du navire ; celui-ci, en rasant leur demeure flottante, y laissa plus d’une fois des feuilles de son doublage roulées par le frottement.

Enfin, après six jours de cette lente navigation, le 1er août, la pointe Beecher fut relevée dans le nord ; Hatteras passa ces dernières heures dans les barres de perroquet ; la mer libre entrevue par Stewart, le 30 mai 1851, vers 76° 20′de latitude, ne pouvait être éloignée, et cependant, si loin qu’Hatteras promenât ses regards, il n’aperçut aucun indice d’un bassin polaire dégagé de glaces. Il redescendit sans mot dire.

« Est-ce que vous croyez à cette mer libre ? demanda Shandon au lieutenant.

— Je commence à en douter, répondit James Wall.

— N’avais-je donc pas raison de traiter cette prétendue découverte de chi-