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LES ANGLAIS AU POLE NORD

Un cri d’épouvante s’échappa de toutes les poitrines. Chacun reflua sur tribord.

Mais, à ce moment, le navire fut entièrement soulagé[1]. On le sentit enlevé, et, pendant un temps inappréciable, il flotta dans l’air, puis il s’inclina, retomba sur les glaçons, et là, il fut pris d’un roulis qui fit craquer ses bordages. Que se passait-il donc ?

Soulevé par cette marée montante, repoussé par les blocs qui le prenaient à l’arrière, il franchissait l’infranchissable banquise. Après une minute, qui parut un siècle, de cette étrange navigation, il retomba de l’autre côté de l’obstacle, sur un champ de glace ; il l’enfonça de son poids, et se retrouva dans son élément naturel.

« La banquise est franchie ! s’écria Johnson, qui s’était jeté en avant du brick.

— Dieu soit loué ! » répondit Hatteras.

En effet, le brick se trouvait au centre d’un bassin de glace ; celle-ci l’entourait de toutes parts, et, bien que la quille plongeât dans l’eau, il ne pouvait bouger ; mais, s’il demeurait immobile, le champ marchait pour lui.

« Nous dérivons, capitaine ! cria Johnson

— Laissons faire, » répondit Hatteras.

Comment, d’ailleurs, eût-il été possible de s’opposer à cet entraînement ?

Le jour revint, et il fut bien constaté que, sous l’influence d’un courant sous-marin, le banc de glace dérivait vers le nord avec rapidité. Cette masse flottante

  1. Soulevé.