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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

— Oui ! disait le docteur, plongé dans ses réflexions, oui, cela serait possible à la rigueur. Pourquoi pas ? On pourrait essayer…

— À quoi songez-vous ? demanda Hatteras.

— Une idée qui me vient…

— Une idée ! s’écria Johnson. Une idée de vous ! Nous sommes sauvés alors !

— Réussira-t-elle, répondit le docteur, c’est une question !

— Quel est votre projet ? dit Hatteras.

— Nous n’avons pas de lentille, eh bien, nous en ferons une.

— Comment ? demanda Johnson.

— Avec un morceau de glace que nous taillerons.

— Quoi ? vous croyez ?…

— Pourquoi pas ? il s’agit de faire converger les rayons du soleil vers un foyer commun, et la glace peut nous servir à cela comme le meilleur cristal.

— Est-il possible ? fit Johnson.

— Oui, seulement je préférerais de la glace d’eau douce à la glace d’eau salée ; elle est plus transparente et plus dure.

— Mais, si je ne me trompe, dit Johnson en indiquant un hummock à cent pas à peine, ce bloc d’aspect presque noirâtre et cette couleur verte indiquent…

— Vous avez raison ; venez, mes amis ; prenez votre hache, Johnson. »

Les trois hommes se dirigèrent vers le bloc signalé, qui se trouvait effectivement formé de glace d’eau douce.

Le docteur en fit détacher un morceau d’un pied de diamètre, et il commença à le tailler grossièrement avec la hache ; puis il en rendit la surface plus égale au moyen de son couteau ; enfin il le polit peu à peu avec sa main, et il obtint bientôt une lentille transparente comme si elle eût été faite du plus magnifique cristal.

Alors il revint à l’entrée de la maison de neige ; là, il prit un morceau d’amadou et commença son expérience.

Le soleil brillait alors d’un assez vif éclat ; le docteur exposa sa lentille de glace aux rayons qu’il rencontra sur l’amadou.

Celui-ci prit feu en quelques secondes.

« Hurrah ! hurrah ! s’écria Johnson, qui ne pouvait en croire ses yeux. Ah ! monsieur Clawbonny ! monsieur Clawbonny ! »

Le vieux marin ne pouvait contenir sa joie ; il allait et venait comme un fou.

Le docteur était rentré dans la maison ; quelques minutes plus tard, le poêle ronflait, et bientôt une savoureuse odeur de grillade tirait Bell de sa torpeur.

On devine combien ce repas fut fêté ; cependant le docteur conseilla à ses