Page:Verne - Voyages et aventures du capitaine Hatteras.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
286
AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

reins et le couteau à la ceinture, n’eût pas déshonoré les cuisines du grand chancelier d’Angleterre.

Au dessert, les liqueurs firent leur apparition ; l’Américain n’était pas soumis au régime des Anglais teetotalers[1] ; il n’y avait donc aucune raison pour qu’il se privât d’un verre de gin ou de brandy ; les autres convives, gens sobres d’ordinaire, pouvaient sans inconvénient se permettre cette infraction à leur règle ; donc, par ordonnance du médecin, chacun put trinquer à la fin de ce joyeux repas. Pendant les toasts portés à l’Union, Hatteras s’était tu simplement.

Ce fut alors que le docteur mit une question intéressante sur le tapis.

« Mes amis, dit-il, ce n’est pas tout d’avoir franchi les détroits, les banquises, les champs de glace, et d’être venus jusqu’ici ; il nous reste quelque chose à faire. Je viens vous proposer de donner des noms à cette terre hospitalière, où nous avons trouvé le salut et le repos ; c’est la coutume suivie par tous les navigateurs du monde, et il n’est pas un d’eux qui y ait manqué en pareille circonstance ; il faut donc à notre retour rapporter, avec la configuration hydrographique des côtes, les noms des caps, des baies, des pointes et des promontoires qui les distinguent. Cela est de toute nécessité.

— Voilà qui est bien parlé, s’écria Johnson ; d’ailleurs, quand on peut appeler toutes ces terres d’un nom spécial, cela leur donne un air sérieux, et l’on n’a plus le droit de se considérer comme abandonné sur un continent inconnu.

  1. Régime qui exclut toute boisson spiritueuse.