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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

Bientôt, il entendit la voix éloignée de Johnson qui criait :

« Attention !

— Tout va bien, » répondit-il.

Johnson tira vigoureusement la corde ; elle vint à lui, entraînant le pieu ; puis, il se précipita à la meurtrière et regarda.

La surface du talus s’était affaissée. Le corps du renard apparaissait au-dessus des débris de glace. Les ours, surpris d’abord, ne tardèrent pas à se précipiter en groupe serré sur cette proie nouvelle.

« Feu ! cria Johnson.

Le docteur établit aussitôt le courant électrique entre ses fils ; une explosion formidable eut lieu ; la maison oscilla comme dans un tremblement de terre ; les murs se fendirent. Hatteras, Altamont et Bell se précipitèrent hors du magasin à poudre, prêts à faire feu.

Mais leurs armes furent inutiles ; quatre ours sur cinq, englobés dans l’explosion, retombèrent çà et là en morceaux, méconnaissables, mutilés, carbonisés, tandis que le dernier, à demi rôti, s’enfuyait à toutes jambes.

« Hurrah ! hurrah ! hurrah ! » s’écrièrent les compagnons de Clawbonny, pendant que celui-ci se précipitait en souriant dans leurs bras.


CHAPITRE XIV. — LE PRINTEMPS POLAIRE.

Les prisonniers étaient délivrés ; leur joie se manifesta par de chaudes démonstrations et de vifs remerciements au docteur. Le vieux Johnson regretta bien un peu les peaux d’ours, brûlées et hors de service ; mais ce regret n’influa pas sensiblement sur sa belle humeur.

La journée se passa à restaurer la maison de neige, qui s’était fort ressentie de l’explosion. On la débarrassa des blocs entassés par les animaux, et ses murailles furent rejointoyées. Le travail se fit rapidement, à la voix du maître d’équipage, dont les bonnes chansons faisaient plaisir à entendre.

Le lendemain, la température s’améliora singulièrement, et, par une brusque saute de vent, le thermomètre remonta à quinze degrés au-dessus de zéro (−9° centig.). Une différence si considérable fut vivement ressentie par les hommes et les choses. La brise du sud ramenait avec elle les premiers indices du printemps polaire.

Cette chaleur relative persista pendant plusieurs jours ; le thermomètre, à