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AVENTURES DU CAPITAINE HATTERAS

Tout d’un coup le rocher manqua sous lui. Il disparut. Un cri terrible de ses compagnons monta jusqu’au sommet de la montagne. Une seconde, un siècle ! s’écoula. Clawbonny crut son ami perdu et enseveli à jamais dans les profondeurs du volcan. Mais Altamont était là, Duk aussi. L’homme et le chien avaient saisi le malheureux au moment où il disparaissait dans l’abîme. Hatteras était sauvé, sauvé malgré lui, et, une demi-heure plus tard, le capitaine du Forward, privé de tout sentiment, reposait entre les bras de ses compagnons désespérés.

Quand il revint à lui, le docteur interrogea son regard dans une muette angoisse. Mais ce regard inconscient, comme celui de l’aveugle qui regarde sans voir, ne lui répondit pas.

« Grand Dieu ! dit Johnson, il est aveugle !

— Non ! répondit Clawbonny, non ! Mes pauvres amis, nous n’avons sauvé que le corps d’Hatteras ! Son âme est restée au sommet de ce volcan ! Sa raison est morte !

— Fou ! s’écrièrent Johnson et Altamont consternés.

— Fou ! » répondit le docteur.

Et de grosses larmes coulèrent de ses yeux.


CHAPITRE XXVI. — RETOUR AU SUD.

Trois heures après ce triste dénoûment des aventures du capitaine Hatteras, Clawbonny, Altamont et les deux matelots se trouvaient réunis dans la grotte au pied du volcan.

Là, Clawbonny fut prié de donner son opinion sur ce qu’il convenait de faire.

« Mes amis, dit-il, nous ne pouvons prolonger notre séjour à l’île de la Reine ; la mer est libre devant nous ; nos provisions sont en quantité suffisante ; il faut repartir et regagner en toute hâte le Fort-Providence, où nous hivernerons jusqu’à l’été prochain.

— C’est aussi mon avis, répondit Altamont ; le vent est bon, et dès demain nous reprendrons la mer. »

La journée se passa dans un profond abattement. La folie du capitaine était d’un présage funeste, et, quand Johnson, Bell, Altamont reportaient leurs idées vers le retour, ils s’effrayaient de leur abandon, ils s’épouvantaient de leur éloignement. L’âme intrépide d’Hatteras leur faisait défaut.