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LE DÉSERT DE GLACE

Le gouvernement confirma les noms d’île de la Reine, pour le rocher du pôle Nord, de mont Hatteras, décerné au volcan lui-même, et d’Altamont-Harbour, donné au port de la Nouvelle-Amérique.

Altamont ne se sépara plus de ses compagnons de misère et de gloire, devenus ses amis ; il suivit le docteur, Bell et Johnson à Liverpool, qui les acclama à leur retour, après les avoir si longtemps crus morts et ensevelis dans les glaces éternelles.

Mais cette gloire, le docteur Clawbonny la rapporta sans cesse à celui qui la méritait entre tous. Dans la relation de son voyage, intitulée : « The English at the North-Pole, » publiée l’année suivante par les soins de la Société royale de géographie, il fit de John Hatteras l’égal des plus grands voyageurs, l’émule de ces hommes audacieux qui se sacrifient tout entiers aux progrès de la science.

Cependant, cette triste victime d’une sublime passion vivait paisiblement dans la maison de santé de Sten-Cottage, près de Liverpool, où son ami le docteur l’avait installé lui-même. Sa folie était douce, mais il ne parlait pas, il ne comprenait plus, et sa parole semblait s’être en allée avec sa raison. Un seul sentiment le rattachait au monde extérieur, son amitié pour Duk, dont on n’avait pas voulu le séparer.

Cette maladie, cette « folie polaire », suivait donc tranquillement son cours et ne présentait aucun symptôme particulier, quand, un jour, le docteur Clawbonny, qui visitait son pauvre malade, fut frappé de son allure.

Depuis quelque temps, le capitaine Hatteras, suivi de son fidèle chien qui le regardait d’un œil doux et triste, se promenait chaque jour pendant de longues heures ; mais sa promenade s’accomplissait invariablement suivant un sens déterminé et dans la direction d’une certaine allée de Sten-Cottage. Le capitaine, une fois arrivé à l’extrémité de l’allée, revenait à reculons. Quelqu’un l’arrêtait-il ? il montrait du doigt un point fixe dans le ciel. Voulait-on l’obliger à se retourner ? il s’irritait, et Duk, partageant sa colère, aboyait avec fureur.

Le docteur observa attentivement une manie si bizarre, et il comprit bientôt le motif de cette obstination singulière ; il devina pourquoi cette promenade s’accomplissait dans une direction constante, et, pour ainsi dire, sous l’influence d’une force magnétique.

Le capitaine John Hatteras marchait invariablement vers le nord.

FIN