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LES ANGLAIS AU POLE NORD

— Je le souhaite, Johnson ; mais, dites-moi, l’équipage est-il un peu revenu de ses terreurs ?

— Un peu, monsieur ; et cependant, pour tout dire, depuis notre entrée dans le détroit, on recommence à se préoccuper du capitaine fantastique ; plus d’un s’attendait à le voir apparaître à l’extrémité du Groënland, et jusqu’ici, rien. Voyons, monsieur Clawbonny, entre nous, est-ce que cela ne vous étonne pas un peu ?

— Si fait, Johnson.

— Croyez-vous à l’existence de ce capitaine ?

— Sans doute.

— Mais quelles raisons ont pu le pousser à agir de la sorte ?

— S’il faut dire toute ma pensée, Johnson, je crois que cet homme aura voulu entraîner l’équipage assez loin pour qu’il n’y eût plus à revenir. Or, s’il avait paru à son bord au moment du départ, chacun voulant connaître la destination du navire, il aurait pu être embarrassé.

— Et pourquoi cela ?

— Ma foi, s’il veut tenter quelque entreprise surhumaine, s’il veut pénétrer là où tant d’autres n’ont pu parvenir, croyez-vous qu’il eût recruté son équipage ? Tandis que, une fois en route, on peut aller si loin, que marcher en avant devienne ensuite une nécessité.

— C’est possible, monsieur Clawbonny ; j’ai connu plus d’un intrépide aventurier dont le nom seul épouvantait, et qui n’eût trouvé personne pour l’accompagner dans ses périlleuses expéditions…

— Sauf moi, fit le docteur.

— Et moi après vous, répondit Johnson, et pour vous suivre ! Je dis donc que notre capitaine est sans doute du nombre de ces aventuriers-là. Enfin, nous verrons bien ; je suppose que, du côté d’Uppernawik ou de la baie Melville, ce brave inconnu viendra s’installer tranquillement à bord, et nous apprendra jusqu’où sa fantaisie compte entraîner le navire.