Page:Vernet - L Amour libre.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle aura simplement évoqué deux bras berceurs où trouver un refuge ; puis lorsqu’enfin elle « saura », lorsque, initiée à la vie sexuelle, sa chair sera devenue consciemment vibrante, elle s’apercevra qu’elle est liée à un homme que peut-être elle n’aimera plus. Et, selon son tempérament, elle ira vers l’amant et se résignera au devoir conjugal.

Et si elle se résigne, si elle accepte le devoir sans amour, quand bien même elle avouerait aux autres et à elle-même qu’elle n’a pas de désirs, qu’elle n’éprouve aucun besoin charnel, elle trompera toute simplement et les autres et elle-même. Le besoin charnel aura existé chez elle, mais n’ayant pas trouvé l’ambiance nécessaire à son épanouissement, il sera atrophié et endormi. Si cette même femme avait vécu la vie libre ; si, laissant le compagnon qui ne répondait pas à ses désirs, elle était allée à celui qui lui eût fait vivre complètement sa vie d’amoureuse, il est fort probable qu’elle ne serait pas devenue une femme froide.

Dans nos mœurs actuelles, il est beaucoup plus facile à un homme de juger s’il est « froid » ou s’il ne l’est pas. Libre de donner cours à ses désirs, il pourra sciemment — après être passé dans les bras de plusieurs femmes — se déclarer pour ou contre la sensualité. Mais la femme — condamnée à ne connaître qu’un seul homme — ne peut en réalité savoir si ce qu’elle n’a pas éprouvé dans les bras de cet homme, elle ne l’eût pas éprouvé dans les bras d’un autre.

Par conséquent, il est impossible de dire exactement ce que sont les femmes au point de vue de la sensualité. Cependant, si l’on veut bien regarder encore la vie animale, on constatera que l’anomalie de la non sensualité se présente rarement chez la femelle. Elle ne se présente jamais dans les espèces sauvages ; et si elle se présente parfois dans les espèces domestiques, c’est que la domestication les a déformées. D’ailleurs nous pouvons constater que la chienne, privée de satisfaction sexuelle, s’étiole, dépérit et abrège d’un quart la durée de sa vie.

Nul doute que si la femme vivait normalement ; que si elle n’avait pas été, elle aussi, déformée par la contrainte physique et morale, nul doute que le nombre de femmes « froides » serait bien restreint. Pourtant j’estime que n’y