Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/108

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sa prudence : s’inspirant de l’histoire de David et de Bethsabée, il fait mourir son personnage au retour d’une guerre où celui-ci n’est jamais allé, et il le frappe d’un coup de poignard, alors que Schère est tombé d’un coup de mousquet. Il fait prêter par Nurmahal à son mari un serment qu’elle ne lui a jamais prêté, et, tandis qu’elle n’a pas probablement contribué à la mort qui la rendit impératrice, tout en l’appelant de ses vœux, c’est à elle qu’il semble attribuer l’initiative du meurtre.

L’histoire a-t-elle donc été profondément altérée ? Non, si l’essentiel a été, non seulement conservé, mais mis en relief. Et l’essentiel, quel était-il ? C’était la passion violente et exclusive de Djihan-Guîr, qui nous est bien représentée telle qu’elle fut réellement, telle que l’on comprend qu’elle devait être chez un homme rassasié de gloire et plongé dans un milieu où il trouvait partout des excitations à la volupté, des conseils de meurtre. L’essentiel, c’était encore cette singulière crainte de violer la parole donnée chez ceux qui ne reculent pas devant un grand crime, ce scrupule de deux amants ne voulant point être adultères, mais, pour ne l’être point, voulant bien devenir assassins. L’histoire nous dit, il est vrai, que ce fut l’empereur qui montra cet étrange respect du lien conjugal avec ce non moins étrange mépris du sang versé : ce fut lui qui refusa d’enlever par la force Nurmahal à son mari et organisa des pièges adroits où celui-ci devait trouver une mort en apparence accidentelle. Mais, si cet hypocrite assassinat est plutôt imputable à l’amant de Nurmahal qu’à elle-même, elle n’en fut pas moins moralement responsable de tout ce qui se fit. Leconte de Lisle ne l’a