Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/114

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— Mohammed-Ali-Khan, dit-il au Nabab, ta fortune est au faîte. Tes crimes si lourds, tes vices si laids hâtent l’heure de l’expiation. Pourquoi, ô Mohammed, réchauffes-tu la vipère en ton sein ? Voici qu’elle siffle et t’enlace. —

Il dit. Mohammed fume, silencieux, son hûka bigarré d’arabesques. Mais la Begum tressaille, redresse son front chargé de pierreries, ouvre tout grands ses yeux. Puis elle rit, comme un bengali. — Le saint homme rêve, — dit-elle, et elle lui lance une bourse. L’or roule sur le pavé. — Voici le prix du sang ! — dit le Fakir, et il sort.

Mohammed regarde fixement cette femme dont l’œil pur brille si doucement. Il sourit sous le joug de cet être charmant, vieux tigre résigné qu’une enfant mène en laisse ; il repousse le soupçon : quelle bouche dit vrai, si celle-ci ment ?

La nuit est montée. Au fond du palais sombre Mohammed repose. Une lampe d’argent éclaire vaguement son front blême : le sang ne coule plus de sa gorge ; au milieu d’une pourpre horrible et déjà froide, le corps du vieux Nabab gît immobile.


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