Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/149

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prophétesse de la race des géants raconte la formation de l’univers et en annonce la ruine. Son chant est ainsi, comme le dit Ampère, la Genèse et l’Apocalypse du Nord. De grandes lacunes et de grandes obscurités indiquent, non un poème primitif, mais un résumé incomplet de traditions qui remontent à une plus haute antiquité. Telle qu’elle est, c’est une œuvre confuse et bizarre, mais grandiose et tragique.

Leconte de Lisle, pour l’étudier, ne manquait pas de guides. Il trouvait la Voluspa analysée, traduite par fragments, commentée dans l’Histoire de Dannemarc par Mallet[1], dans divers ouvrages d’Ampère, d’Ozanam, de Xavier Marmier[2].

La cosmogonie scandinave débute comme celle de tous les anciens peuples. « Au commencement il n’y avait ni ciel, ni terre, ni flots, mais l’abîme béant ; au nord de l’abîme était le monde des ténèbres, et au sud le monde du feu. D’une source jaillissant du monde des ténèbres, découlaient douze fleuves qui roulaient un poison vivant. (Leconte de Lisle réduira ces douze fleuves à quatre.) Ces tristes eaux se gelèrent, la vapeur que le poison distillait se condensa en givre, cette glace et ce givre tombèrent dans l’abîme. Les étincelles qui jaillissaient du monde de


  1. Lyon, Duplain, 1766 ; t. I, p. 92-103.
  2. Ampère, Littérature et voyages, — Allemagne et Scandinavie — ; Paris, Paulin, 1833. Ozanam, Les Germains avant le christianisme ; Paris, Lecoffre, 1847. X. Marmier, Lettres sur l’Islande ; Paris, Bonnaire, 1837 : Chants populaires du Nord, introduction, p. XXIV et suiv.