Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/155

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d’Odin, la plupart n’ont pas eu le courage de continuer une si longue route, et sont retournés vivre dans leur paradis de fleurs. Les autres ont perdu le long du chemin leur manteau de pourpre, et les déesses ont laissé tomber leur écharpe d’or et leur ceinture magique. Le ciel scandinave est pauvre… et les dieux qui l’habitent sont les plus malheureux dieux que je connaisse… Les mythes indiens se sont développés comme des rameaux de fleurs sous un ciel d’azur, sur une terre riante. Les mythes scandinaves sont restés sombres comme les nuages qui flottent au-dessus de la mer Baltique, tristes comme le vent qui gémit dans les montagnes de Norvège ou dans les plaines désertes de l’Islande[1]. »

C’est ce que Leconte de Lisle a bien compris ; mais il ne s’est pas contenté de relever le caractère lugubre de la cosmogonie du nord ; il a fait plus : il a retranché de cette cosmogonie la toute dernière page, celle qui vient un peu l’éclairer d’un sourire : la renaissance du monde et l’immortalité promise aux justes. Peut-être, par cette audacieuse suppression, voulait-il moins ajouter une dernière tristesse a un sombre tableau qu’exprimer ses idées personnelles. S’il lui avait été tort agréable de trouver dans des poèmes très antérieurs aux siens la prédiction de la mort des dieux, il lui eût été désagréable, fût-ce pour faire parler conformément à ses croyances un personnage d’une mythologie primitive, d’annoncer une vie future.


  1. Lettres sur l’Islande, p. 160-162.