Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/178

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Wäinämöinen coupa les branches du bouleau et de son bois il fit un nouveau kantele. Sur un chêne qui s’élevait là, des coucous gémirent, des globules d’or tombèrent de leur bouche, et Wäinämöinen en fit les vis de l’instrument. Une vierge pleurait, la plus belle jeune fille de la vallée ; elle chantait, attendant celui qui devait l’épouser. — Ô Vierge, dit le vieux Wäinämöinen à la tendre enfant, donne-moi six de tes beaux cheveux. — Elle les donna, et le dieu en fit les cordes de son joyeux kantele. Puis il commença à chanter.


Le bouleau au doux feuillage palpita de joie, le présent d’or du coucou frémit, la belle chevelure de la vierge retentit.

Et les vallées s’élevèrent, et les collines s’abaissèrent, et les montagnes d’airain tremblèrent, et tous les rochers résonnèrent. Les tiges des arbres s’agitèrent en dansant, les pierres du rivage se fendirent, les pins tressaillirent de joie… Les oiseaux se précipitèrent en foule vers le grand runoia.

Un aigle du haut de son aire entendit aussi la douce harmonie, et il oublia ses petits, et il vola vers des régions qu’il n’avait jamais visitées, pour y jouir des merveilles du kantele.

Le roi du désert et son cortège à la peau hérissée dansa sur ses deux pieds, aux sons admirables de l’instrument de Wäinämöinen…

Lorsque Wäinämöinen sortit pour aller dans la forêt, les sapins vinrent s’incliner devant lui, les pins lui donnèrent un salut ami, les bouleaux abaissèrent leur cime jusqu’à terre. Et quand il alla dans les champs incendiés, les fleurs surgirent sous ses pas, le gazon fit renaître sa verdure[1].


Pour composer les Larmes de l’Ours, Leconte de Lisle


  1. Vingt-neuvième runa, id., t. II, p. 108-111.