Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et il traçait des runas sur la peau d’un serpent bleu, roulé en tortueuse spirale autour de la tablette ; il gravait des runas belles, profondes, une pour chaque jour de victoire, conduisant la pointe de son glaive depuis la queue du serpent jusqu’à la tête. Quand le char du soleil roulait à l’occident et que sa lumière dorée flottait sur l’onde comme une écume de feu, unissant le ciel et la mer dans une même plaine, où nageaient les cygnes blancs, quand les guerriers vainqueurs revenaient à leurs foyers, alors il gravait une runa, et le chant mêlé à l’harmonie des harpes retentissait dans le château.


Leconte de Lisle a conservé tout l’essentiel de ce début : le château qui se dresse sur un haut promontoire, les ours d’or qui soutiennent la voûte, les chanteurs avec leurs harpes, la tunique de fer, la cuirasse et la grande barbe du dieu, la peau du serpent bleu qu’il couvre de runas et, debout près de lui, « le guerrier muet qu’on nomme Inquiétude ». Mais, pour plus de pittoresque, il a accroché aux piliers quelques-uns de ces ornements sans lesquels une salle de château ne peut pas décemment se dire finnoise : de grands arcs, des pieux, des boucliers, des carquois,


Des peaux de loups géants et des rameaux de rennes ;


il a changé en harpes de pierre les harpes d’or ; il a mis des cruches d’or aux mains des buveurs et de l’hydromel dans ces cruches ; il a transporté du bouclier du dieu à ses yeux le reflet azuré de la mer ; il a dressé le château dans un paysage saisissant, où l’on est toutefois un peu étonné de voir évoquer le souvenir du géant Ymer et des Nornes, personnages Scandinaves et non finnois. Par un changement plus important, car il intéresse, nous le verrons, non