Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/206

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où le premier cri s’est fait entendre, nous avons été pousses dehors, décomposés et simplifiés par les pointes du bouleau (nous avons été individualisés par les forces génératrices). Quand ma création lut accomplie, je ne naquis point d’un père et d’une mère, mais des neuf formes élémentaires, du fruit des fruits, du fruit du Dieu suprême, des primevères de la montagne, des fleurs des arbres et des arbustes. J’ai été formé par la Terre dans son état terrestre[1] J’ai été marqué par Math (la Nature[2]) avant de devenir immortel. J’ai été marqué par le Voyant (Gwyddon ou Gwyon), le grand purificateur de la multitude des enfants de Math. Quand le changement (par le feu) se fit, je fus marqué par le Souverain, à demi consumé. Par le Sage des Sages, je fus marqué dans le monde primitif, au temps où

  1. L’auteur du Kad Goddeu ajoute ici qu’il fut « formé de la fleur des orties ». Or, Leconte de Lisle place, on l’a vu, « l’ortie aiguë » parmi les neuf Formes élémentaires. Ce n’est probablement pas là une simple coïncidence. La curiosité du poète avant été éveillée par l’extrait que donnait Henri Martin, je pense qu’il s’est fait traduire le reste du Kad Goddeu par quelque celtisant. — Le Kad Goddeu dit encore : « Je suis entre les genoux des rois », et Leconte de Lisle : « Dylan me tenait sur ses genoux énormes ». — Cependant on remarquera qu’il indique seulement les trois transformations en serpent, en crabe (il a substitué le crabe à la vipère d’eau), en berger ; et Henri Martin n’en indique pas d’autres, parce qu’il ne donne qu’un extrait du Kad Goddeu ; mais l’auteur du Kad Goddeu en indique bien d’autres : il a été un aigle, un pont, un cours d eau, un bateau, une goutte d’eau, une épée, un bouclier, une corde de harpe, un livre, et même un mot écrit en lettres, etc. — À défaut de traduction française du Kad Goddeu, on peut consulter la traduction anglaise de Skene, The Four Ancient Books of Wales, Édinbourg, 1868 ; t. I, p. 276-283.
  2. Leconte de Lisle appelle plusieurs fois les Kimris « les fils de Math ». Sur la foi d’Henri Martin, il entend sans doute par Math la Nature. Mais, d’après les Triades, Math est un des trois grands magiciens de l’île de Prydein (la Grande Bretagne), et la quatrième branche des Mabinogi (romans qui sont le plus ancien monument de la langue galloise) est intitulée Math. Voir Loth, les Mabinogion, t. I, p. 120, note 2, et ailleurs.