Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/208

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s’éveille enfin. Il est homme ! » Le bien et le mal s’offrent à lui. Choisit-il le mal, qui est une diminution de l’être, il retombe après la mort dans une vie moindre, renaît homme inférieur ou animal irraisonnable ; il peut même, quand il a péché trop gravement, être rejeté jusqu’au fond de l’abîme, dans le chaos des germes, d’où il recommence tout le cours de la transmigration. L’homme fait-il, au contraire, des progrès vers la connaissance et le bien, il monte les degrés supérieurs d’Abred. « Quand enfin il est parvenu au plus haut point de science et de force dont la condition humaine soit susceptible, il échappe par la mort au cercle de la transmigration et du mal, il atteint Gwynfyd, le cercle du bonheur. » Alors son génie propre lui étant pleinement révélé, il entre dans une nouvelle série d’états successifs où il développe sa vocation par des progrès qui n’auront pas de fin. L’habitant du ciel conserve, toutefois, la faculté de redescendre aux sphères inférieures dans un dessein de perfectionnement scientifique[1].

Telle est la doctrine développée dans le livre du Mystère des Bardes. Mais déjà Henri Martin faisait observer que, ce livre ayant été écrit à diverses époques du moyen âge par des bardes plus ou moins imbus de christianisme, il fallait, pour y retrouver le druidisme primitif, « une méthode circonspecte et prudente ». Aujourd’hui, la critique, beaucoup plus réservée encore qu’Henri Martin, ne reconnaît


  1. H. Martin, quatrième édition, t. I, p. 76 et suiv. On remarquera sans peine que le héros de Leconte de Lisle s’inspire non seulement du Kad Goddeu, mais çà et là du Mystère des Bardes ou plutôt de l’analyse qu’en donne H. Martin.