Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/224

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Ainsi, c’est à Temrah que la légende fixe l’épisode fameux du feu pascal.

On était à la veille de Pâques. Patrice, qui se trouvait à Temrah, résidence du roi Léogair, alluma, suivant la coutume, le feu pascal. Le même jour, les païens célébraient une de leurs fêtes. Leur cérémonie consistait à allumer un bûcher, et tant que ce feu brûlait on ne devait pas en apercevoir un seul autre dans le pays. Léogair et ses prêtres virent avec fureur s’élever la flamme allumée par Patrice. Un des magiciens eut un pressentiment et dit : — Ô roi, si ce feu n’est pas éteint tout de suite, celui qui l’a allumé deviendra le maître de l’Irlande. — Malgré la colère du roi, le feu de Patrice continua à briller, et ce fut celui des païens qui s’éteignit[1].

C’est aussi à Temrah que la légende place la grande épreuve à laquelle les druides soumirent la puissance du Dieu de Patrice.

Ils tendirent au saint une coupe empoisonnée ; mais il fit un signe de croix, et il but impunément. Ils couvrirent le sol de neige ; mais il invoqua la Trinité, et la neige fondit[2]. Ils plongèrent le pays dans les ténèbres ; mais sur un signe de croix la lumière reparut. Comme après ces


  1. N’est-ce pas à ce fait que songe Leconte de Lisle quand il nous montre les deux vieillards debout auprès de leur bûcher consumé et sentant passer le Dieu d’une race nouvelle avec le char enflammé où l’étranger poursuit sa route ?
  2. C’est probablement ce miracle auquel Leconte de Lisle fait allusion et qu’il arrange un peu quand il nous dit : « Sur son front la neige arrondit tout à coup sa voûte lumineuse et le sol fleurit sous le vent des hivers. »