Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment par des histoires ayant utilisé des sources espagnoles, et Conde, au contraire, avait utilisé exclusivement des sources arabes, dont ses compatriotes ne soupçonnaient pas l’existence. Son livre, il en convenait lui-même dans sa préface, n’était au fond que « l’extrait fidèle d’un grand nombre de livres écrits en arabe ». Aussi prévenait-il ses lecteurs de ne pas s’étonner s’il ne leur donnait presque aucun renseignement sur les princes et les généraux chrétiens. « En un mot, disait-il, mon ouvrage peut être regardé comme le revers de nos annales. »

C’était donc une histoire de la domination arabe en Espagne faite d’après des Arabes, et l’on peut même dire faite par des Arabes, que Leconte de Lisle trouvait dans les trois volumes de M. de Marlès. Aussi les lut-il certainement avec la passion qu’il apportait à toutes les choses d’Orient. Et le désir lui étant venu d’en tirer des poèmes, une idée se présenta bien vite à son esprit, celle d’opposer les deux gigantesques figures de celui qui fonda la domination des Arabes en Espagne et de celui qui la porta à son apogée : Mouça-le-Grand (al-Kébyr) et Mohammed-l’Invincible (al-Mançour).


Mouça ben Nozéir fut le conquérant de l’Espagne.

Lieutenant aux ordres du gouverneur de l’Égypte, il avait soumis les Berbères jusqu’à l’Atlantique. Il reçut alors du khalyfe Walid (Al-Oualyd) le titre de wali (ouali) du Maghreb, et l’Afrique occidentale fut détachée du gouvernement de l’Égypte. Maître de Tanger, Mouça rêvait de conquérir l’Espagne, dont il devinait les richesses : et puis,