Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/266

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tion n’a pas eu de peine à reconstituer le chemin et à retrouver les propos échangés en cours de route :


La guêpe au vol strident vibre, la sauterelle
Bondit dans l’herbe sèche et rase, le bruit grêle
Des clochettes d’argent tinte, et les cavaliers
Mêlent le rire allègre aux devis familiers :
Ruses de guerre et rapts d’amours, et pilleries
Nocturnes par la ville et dans les juiveries,
Querelles, coups de langue et coups de merci-Dieu.


Ce qui suit manque un peu de vraisemblance. Sans qu’il ait été provoqué par aucune parole malveillante, Rodrigue reste dédaigneux sur son haut destrier. Devant cette attitude insuffisamment expliquée, le porte-bannière de Castille, Inigo Lopez, en prend une encore bien moins explicable. Longuement, grossièrement, il insulte Rodrigue : détrousseur de gens, fils de routiers, bon pour le couperet, hautain, fou, More, Juif et — injure pire — hérétique, à coup sûr menteur et traître, tels sont les jolis noms que le fils de don Diègue s’entend jeter à la tête, parce qu’il a, non pas refusé de baiser la main au roi, mais manifesté peu d’empressement à vouloir le faire. N’est-ce pas beaucoup de colère pour une faible cause, même chez un homme du XIe siècle ?

Après une offense si sauvage, les lecteurs s’attendent bien que la lance de Rodrigue fermera pour jamais la bouche insolente. Mais ce qui ne laisse pas de les étonner, c’est, après le coup, l’étonnement du roi, qui se montre « tout surpris » de l’événement et se demande ingénuement si don Inigo n’est pas « fort endommagé ». Leconte de Lisle