Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/274

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reine semble finir d’une façon naturelle. Pour se faire le ministre de cette hypocrisie (que Leconte de Lisle ne trouvait, ni dans les romances, ni dans l’histoire), le massier prend dans ses dix doigts le cou délicat, frêle et doux, et le serre ; puis il clôt les yeux bleus, voilés de longs cils d’or, dispose la figure, et, furtif, disparaît dans le noir corridor.

Le roi more, lui aussi, périt d’une façon plus tragique que dans la romance. Don Pèdre ne se contente plus de le frapper d’un coup de lance, après qu’on a massacré ses compagnons. Il se promène à travers les rangs des Mores liés contre des poteaux et, les prenant comme cibles, il leur jette de loin des djerrids aigus, joyeux qu’aucun trait ne soit perdu. Son dernier coup est réservé à l’Émyr.

Mais c’est surtout l’épisode du chien qui est arrangé de façon à bien secouer nos nerfs. Don Pèdre a donné l’ordre de couper la tête au maître et, sans plus y songer, est allé dîner avec la Padilla. Les deux amants sont gais et insouciants. Tout à coup, un hurlement lugubre éclate, le page qui verse à boire devient blême. Une tête sanglante aux dents, un chien, d’un bond nerveux, saute sur la table royale et y laisse tomber la dépouille hideuse où un œil terne s’entrouvre à travers les cheveux. Dona Maria tremble, don Pèdre rit.


— Vrai dieu ! Tout, dit le Roi, vient à point de concert.
Foin de Mahom, du Diable et de la Synagogue !
C’est la tête de Don Fadrique, et c’est son dogue,
Maria, qui vous l’offre, en guise de dessert !


Disons bien vite qu’avec plus de pittoresque et plus d’horreur tragique, les additions de Leconte de Lisle ont