Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/285

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à changer d’île. Tantôt, c’était la faim, quand l’île natale ne pouvait plus nourrir tous ses habitants. Le plus souvent, c’était la guerre : le vaincu cédait les lieux au vainqueur et se mettait en quête d’une nouvelle patrie.

Les canots où il embarquait sa tribu pouvaient tenir longtemps la mer. Composés de deux pirogues simples réunies par une plate-forme, ils ne contenaient pas moins chacun de trente guerriers, de cent quarante pagayeurs et de huit pilotes. Toute tribu en possédait une véritable flotte qui pouvait la recueillir en un jour de détresse. Lors du premier voyage de Cook, l’île de Tahiti pouvait équiper dix-huit cents pirogues et mettre sur mer vingt-sept mille hommes.

Les Polynésiens hésitaient d’autant moins à quitter le sol où ils étaient nés qu’ils s’y considéraient comme des étrangers. Les races se vantent en général d’être autochtones. Celle-ci se vantait, chose notable, d’être émigrée. Car dans toutes les traditions des Polynésiens, on retrouve, très nette, cette croyance que leur race est venue de l’est, d’une mère patrie, qu’ils appellent généralement Hawaiki, Havaï ou Hoaï, et qui est très probablement l’une des Samoa. Ils ont pour elle la plus profonde vénération. Ainsi, aux îles Marquises, Hawaiki est le lieu sacré où l’on va après la mort, et l’on dit à l’âme de la victime dans les sacrifices humains : « To fenua hawaiki, retourne à Hawaiki », c’est-à-dire retourne à la terre de tes ancêtres. (Leconte de Lisle a retenu cette tradition si poétique, qu’il a connue, non par Quatrefages, mais par un livre dont celui-ci lui avait donné l’indication : Du dialecte de