Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/320

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l’empoisonner. Il se fait donc nommer les objets que contient la corbeille ; mais, aussitôt que sa conviction est faite, il tombe dans les bras de Créuse, et ce sont les plus tendres effusions, les plus touchantes caresses. Ion veut alors qu’on aille chercher son père pour qu’il s’associe à leur joie. Mais Creuse le détrompe : il n’est pas fils de Xuthus, il est fils d’Apollon. Encore un étonnement pour Ion, encore un doute angoissant : Créuse dit-elle vrai ? Cette fois une divinité vient le tirer d’affaire. Deus ex machina, sans doute, mais dont l’intervention paraît toute naturelle dans un imbroglio crée par un dieu. Donc Minerve garantit la sincérité de Creuse et prescrit à Ion le silence envers Xuthus, dont il passera pour être le fils. Elle annonce à Creuse qu’elle aura de son époux deux autres enfants, Doros et Argos ; puis elle prédit la grandeur des Ioniens, fils d’Ion, et celle de la ville d’Athènes.

On ne peut nier qu’Euripide n’ait combiné dans cette pièce des éléments assez divers, qu’on n’y retrouve parfois à côté du dramaturge le patriote, le philosophe, l’artiste ; il y fait l’éloge d’Athènes et la satire des dieux ; il y disserte sur les tristesses de la vie ; il y décrit curieusement le fronton du temple de Delphes. Sa tragédie n’en est pas moins une œuvre très scénique. C’est un drame fertile en surprises et en revirements, où un fils est sur le point de tuer sa mère après que la mère a été sur le point de tuer son fils, où un enfant abandonné retrouve sa mère quand il croit retrouver son père. C’est surtout un drame sentimental et réaliste : l’aventure d’un dieu y est ramenée aux proportions d’un fait divers tout humain ; elle devient l’histoire d’une