Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/324

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Avec mes rires ingénus ;
J’entrelaçais en bandelette
L’hyacinthe et la violette ;
Dans l’eau vive qui les reflète
Je baignais mes pieds blancs et nus.


Épode.


Et tu survins alors, ô Roi des Piérides,
               Ceint du fatidique laurier !
Terrible et beau, pareil au chasseur meurtrier
               Qui poursuit les biches timides,
Apollon ! Apollon ! ô ravisseur impur !
Tu m’emportas mourante au fond de l’antre obscur,
               Suspendue à tes mains splendides !


En donnant à l’Ion d’Euripide un sens nouveau qui rejetait dans l’ombre le drame romanesque et pathétique, Leconte de Lisle était obligé d’atténuer ce qu’avait de criminel l’attitude de Creuse et du vieillard. Il n’y a pas manqué. À peine le vieillard est-il sorti, porteur de l’ordre meurtrier, que la jeune femme se repent d’avoir prescrit un crime lâche, « qui mettra sur son nom une longue souillure », et elle supplie Apollon de lui épargner ce forfait. Quand le crime a été reconnu, le vieillard, bien loin de dénoncer sa maîtresse, comme il fait chez Euripide, se déclare seul coupable. En vain le presse-t-on d’avouer qu’un autre, pour ce vil forfait, a dû armer ses vieilles mains, lâchement homicides ; il se vante d’avoir seul tout conçu, de n’avoir eu ni complice, ni confident. Mais Creuse ne reste pas au-dessous de tant de générosité ; elle revendique hautement la responsabilité de ce qu’elle a fait : on