Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/372

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récit d’Ovide qu’à la statue fameuse de Niobé, admire son héroïne pétrifiée. Jamais, dit-il, corps divins dorés par le soleil, jamais blanches statues revêtues de grâce et de jeunesse n’ont valu ce col qui chancelle, ces bras majestueux brisés dans leur geste, ces flancs si pleins de vie et épuisés d’efforts, ce corps où la beauté triomphe de la mort. Niobé certainement vit encore. Sous sa robe, insensible, elle continue à souffrir. Souffrira-t-elle toujours ?

Cette question nous indique, je crois, quel sens il faut surtout donner au poème.


Si l’on s’en rapporte à une déclaration de la préface des Poèmes antiques, Niobé ne serait qu’un poème historique. « Niobé, y est-il dit, symbolise une lutte fort ancienne entre les traditions doriques et une théogonie venue de Phrygie. » Niobé est certainement l’histoire de deux religions ennemies, puisque le poète nous le dit, et on ne peut lui contester le mérite de nous avoir clairement fait entendre que si la religion grecque de l’époque classique avait concilié dans une apparente harmonie des cultes rivaux, à une époque plus ancienne, les conflits de races et de tribus avaient dû se compliquer en Grèce, comme ailleurs, des conflits de religions.

Mais à cet intérêt historique le poème de Niobé n’en joint-il pas un autre et l’héroïne ne symbolise-t-elle pas la raison humaine ? La raison humaine, nous dit, ce me semble, le poète, voit tous ses enfants, elle voit toutes ses créations abattues par Apollon et Artémis, personnifiant, dans la pensée de Leconte de Lisle, non pas seulement