Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/374

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la conquête de la Toison d’or « le fils de Philyre, Chiron lui-même, descendant du haut de la montagne, s’avança vers le rivage en leur faisant signe de la main et leur souhaitant un heureux retour. Près de lui, son épouse Chariclo, portant dans ses bras le jeune Achille, le présenta tendrement à son père Pelée ». Un peu plus haut, un peu plus bas, Apollonius nous montre Orphée charmant ses compagnons par les doux accents de sa voix. Mais ni Apollonius, ni. je crois, aucun autre historien de l’expédition des Argonautes, ne nous dit que les navigateurs auraient manifesté le désir d’avoir pour chef le vieux centaure Chiron, ni qu’ils auraient député vers lui le chanteur Orphée. C’est sans doute Leconte de Lisle qui a imaginé lui-même la rencontre des deux héros, ajoutant ainsi une page toute nouvelle à la légende des Argonautes.

Son histoire se déroule, comme une histoire de Théocrite, dans un cadre bucolique. C’est le soir : le soleil déserte la campagne infinie et la nuit invincible couvre déjà d’un voile épais les flots de la mer Aigée ; bœufs indolents, chèvres aux pieds sûrs, blanches brebis, pasteurs armés de l’aiguillon, laveuses et moissonneurs s’acheminent vers les murs d’Iolkos. Mais voici qu’au détour de la route poudreuse un étranger s’avance. Il approche. Silencieux, il passe, et les adolescents écoutent résonner au loin ses pas. — C’est un dieu ! — pensent-ils, car ils ont vu régner la paix du sage dans ses yeux profonds.

L’étranger gravit la montagne. Il s’arrête sur le seuil d’un antre, dont deux torches d’olivier rougissent les parois. Là, Khirôn aux quatre pieds, assis sur la peau d’un