Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/76

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brahmanistes. Ce qu’on y trouve enfin, c’est le paysage qui a vu naître, — à moins qu’on ne veuille dire qui a fait naître, — toutes ces légendes et toutes ces doctrines.


Un tableau d’une merveilleuse opulence sert d’introduction au poème, et il a un tout autre intérêt que de déterminer le théâtre de l’action : il la prépare, il l’explique d’avance tout entière.

Regardons ces êtres si pleins de force qu’un soleil accablant ensevelit pourtant dans la torpeur : ces grands reptiles qui se laissent pendre du sommet des palmiers, ces crocodiles qui flottent comme des troncs pesants le long des vertes îles, ce tigre qui dort tapis dans l’herbe, — et nous ne nous étonnerons plus de voir les brahmanes immobiles, perdus dans leur rêve intérieur. Suivons la course de ces gazelles, les bonds de ces antilopes, le glissement de ces couleuvres, le vol diligent de ces abeilles, — et bientôt notre œil, comme celui des brahmanes, se fermera, las d’être sollicité par tant de formes. Arrêtons nos regards sur les calices de ces nymphéas, sur ces lys d’argent, sur ces oiseaux au bec d’or, — et nous serons préparés à comprendre la grâce de certains mythes populaires nés sur le sol de l’Inde. Reportons-les sur les corps gigantesques de ces éléphants et de ces crocodiles, sur l’immense nappe de ce fleuve aux eaux lentes, — et nous serons prêts à écouter l’histoire des efforts prodigieux du colossal Visnou. Non ! le poème de Bhagavat ne pouvait avoir une préface plus splendide, ni plus intelligente, que cette description de la forêt indienne, où, dans mille plantes et dans mille ani-