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le poète a-t-il voulu nous montrer combien elles en sont souvent éloignées ? C’est probable. Car il n’y a rien d’hellénique, — si l’on entend que la mesure est nécessaire au génie hellénique, — dans les légendes qui nous sont racontées à la fin du poème de Bhagavat. On y voit la divinité prendre des proportions colossales qu’elle n’eut pas en Grèce et y déployer une vigueur inouïe dont les hôtes de l’Olympe ne sont pas coutumiers.


Dociles aux conseils de la Déesse, les trois sages gravissent les flancs du mont Kaîlaça. Après de longs efforts, ils atteignent l’inénarrable Lieu, d’où s’épanche en torrents lumineux, sans cesse renouvelés,


La divine Mâyâ, l’Illusion première.


Là, mille femmes au front d’ambre disent les hymnes consacrées ;


Et les doux Kinnaras, musiciens des Dieux,
Sur les flûtes d’ébène et les vinâs d’ivoire
Chantent de Bhagavat l’inépuisable histoire.


« Là », dit l’auteur du Bhagavata-Purana dans un chapitre, où, racontant la vision de deux solitaires, il décrit le ciel de Visnou, « là, montés sur des chars avec leurs femmes, les Dêvas... chantent les histoires où leur maître paraît uni à la condition misérable de l’humanité[1]. »

Leconte de Lisle n’a donc point imaginé lui-même qu’une des occupations des habitants du ciel de Visnou est de


  1. Liv. III, ch. XV ; trad. Burnouf, t. I, p. 421.