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Notice


tout autant que Malherbe ; mais sa conduite n’y fut pas d’abord assujettie : « La desbauche des femmes et du « vin faillit à m’empieter au sortir des escholes : car « mon esprit un peu précipité avoit franchi la subjec- « tion des précepteurs lorsque mes mœurs avoient en- « core besoin de discipline. Mes compagnons avoient « plus d’âge que moy, mais non pas tant de liberté. Ce « fut un pas bien dangereux à mon ame que ceste première « licence qu’elle trouva après les contraintes de l’estude. « Là je m’allois plonger dans le vice, qui s’ouvroit ascc « sez favorablement à mes jeunes fantaisies ; mais les « empeschemens de ma fortune destournerent mon in- « clination, et les traverses de ma vie ne donnèrent « pas le loisir à la volupté de me perdre. »

En effet, il falloit songer à sa fortune. La famille étoit sans doute connue de Henri IV, et des espérances, bientôt déçues, ont dii amener à Paris, au commencement de 1610, ce jeune homme de vingt ans qui apportoit à la cour une grande vivacité d’esprit, l’humeur gaillarde de son pays et l’amour du plaisir, toutes choses qui étoient de mise auprès du bon Henri. Vint le 14 mai, et un changement de règne. Le poète l’a regretté, ce roi, et en assez beaux vers :

Ainsi que le soleil, penchant vers le tombeau,
Jettoit sur l’univers l’œil plus grand et plus beau,
Sa valeur trop long-temps honteusement oysive
Meditoit d’arracher son myrthe et son olive.
Le brulct de ses desseins par l’Europe voloit ;
Chacun de ses projects différemment parloit ;
Tous les roys ses voisins pendoient sur la balance,
Esgalement douteux où fondroit sa vaillance.
Son courage rioit de voir que la terreur
Se mesloit parmy tous dans leur confuse erreur.

Une régence, beaucoup d’intrigues, un homme de trois jours, un estranger heureux, minutant sans bruit sa faveur, tel étoit l’état des choses, et Théophile faisoit des vers comme on en fait à vingt ans. Quelle étoit alors sa vie ? Sans doute celle qu’il décrivoit tout à l’heure. Mais il connut bientôt un jeune homme, moins