Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/153

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Il m’estoit permis de le voir
Et d’un confort peu secourable
Luy rendre mon dernier devoir.

Quelques uns, que les mœurs et l’aage
Attachoient à son amitié,
Par un mesme effort de pitié,
Luy rendoient mesme tesmoignage.
Tous à l’object de son ennuy
Estoient moins résolus que luy,
Et, consolés à sa parole
Le voyant sec parmi nos pleurs,
Comme moy venoient à l’escole
De bien-vivre dans les malheurs.

Tous les jours dans cet exercice
Il nous enseignoit de mourir,
Sans perdre temps à discourir
Des cruautés de la justice.

A la fin, quand le juste cours
De ses incomparables jours
Fut achevé par les estoilles,
Le peuple, sur le bord de l’eau,
Revid blanchir les tristes voiles
Et mouiller l’ancre du vaisseau.

Le jour venu que la nature avare
Redemandoit une chose si rare
Et que la loy pressante du destin
Devoit sa proye à l’infernal mastin,
Sans espargner non plus ceste belle ame
Que le plus sot du populaire infâme,
Nous revenons pour la derniere fois
A l’entretien d’une si docte voix.
Ce cœur divin se tint tousjours plus ferme
Lorsqu’il se veid plus proche de son terme,
Sans que l’horreur de son trespas certain
Y fist paroistre un mouvement humain.