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40 De l’immortalité

sance est différente, le ressouvenir de ceste chose plus esloignée s’appelle réminiscence, comme par exemple la cognoissance d’un homme et d’un luth sont des choses différentes, et, lors qu’un amoureux -vient à voir le luth dont il a veu jouer sa maistresse, il se souvient aussi tost de sa maistresse.

Si je passe en un jardinage
Semé de roses et de lys,
Il me ressouvient de Philis,
Qui les a dessus son visage.

Diane, qui luit dans les cieux,
Tousjours jeune, amoureuse et belle,
Me la remet devant les yeux,
Pour ce qu’elle est chaste comme elle.

Je la vois si je vois l’aurore,
Et, quand le soleil luit icy.
Il me ressouvient d’elle aussi,
Pource que l’univers l’adore.

Les Grâces dedans un tableau,
Le petit Amour et sa flame.
Bref, tout ce que je voy de beau
Me la faict revenir dans l’ame.

Ainsi, pensant à Cebes, on peut aussi penser à Simias, et cela s’appelle réminiscence, mesme lors qu’il arrive qu’on se ressouvient des choses que la longueur du temps et la nonchalance avoient effacées de la mémoire. Et ne se peut-il pas faire que, voyant un cheval peint ou un lict peint, on vienne à se ressouvenir d’une personne ; et qu’à voir la peinture de Simias, on se représente aussi Cebes ? Et sans doute aussi voyant Simias, ou se ressouvient de Simias ? Ainsi voyons-nous que la réminiscence arrive par le moyen de ce qui est approchant et semblable, et par le moyen aussi de ce qui est dissemblable.